et de poursuivre : 

« …c’est un avis général, en tous cas chez les scientifiques…beaucoup se sont exprimés sur ce sujet y compris au sein des agences spatiales…il y a des tas d’activités utiles dans le spatial et même indispensables mais aucune ne requière une présence humaine… et l’éventualité d’une présence humaine ne fait que compliquer les choses... « 

« …il y a des tas d’articles qui expliquent que jamais on ira sur Mars… »

« … ce qui nous étonne c’est que la NASA fasse encore semblant de préparer un programme pour envoyer un homme sur Mars… » 

« …on parle de programme humain dans l’espace, mais non… cela ne sert strictement à rien… on a eu pas mal d’astronautes à bord (de la station spatiale internationale) et (…) c’était une tâche assez difficile de leur trouver quelque chose à faire »

Le vol habité de longue durée (sans même remonter ni à Gagarine ni à Apollo) a débuté il y a plus d’un demi-siècle, laissant plus de temps qu’il n’en faut pour prendre une mesure précise de ce qu’on peut en attendre. 

Il s’est d’abord agi de postures politiques pour mettre en exergue la supériorité technique, industrielle, morale d’un modèle politique _ entre les Américains et les Russes dans un premier temps, aujourd’hui entre les Américains et les Chinois_ et, plus modestement dans le cas des Européens, de se porter peu ou prou à l’égal des joueurs du court central. 

Plus tard, à la chute de l’Union soviétique, les choses ont évolué. Les Américains, alors encalminés avec leur programme de station spatiale « Freedom » faisaient le pari, génial au demeurant, de renverser le paradigme en proposant une coopération aux Ex-Soviétiques sur ce qui allait s’appeler la station internationale. Les Russes dirigeaient alors leurs expertises en matière spatiale sur ce programme international, par essence pacifique, plutôt que de les laisser aller au plus offrant ou les porter sur des secteurs plus utiles à la croissance économique de la nouvelle Russie. Un formidable coup de géostratégie spatiale pour les Américains… dont l’enjeu valait bien de remettre des pièces dans le mythe du vol habité et d’assigner quelques astronautes de plus à tourner en rond autour de la Terre pour illustrer, cette fois, les bienfaits de la coopération dans l’après Guerre froide. 

Rivalité ou coopération, les astronautes n’ont toujours été que des figurants d’une pièce de géopolitique, et les prétendues recherches scientifiques les habits de leur contenance. 

Pour répondre à l’étonnement de Marc Lachièze-Rey, Arnaud Saint-Martin propose la notion de ligne de fuite pour expliquer les projets américains d’exploration habitée de l’espace, notamment de Mars, et au suivisme dont font preuve nombre d’agences spatiales, l’ESA et le CNES notamment.

Mars est « rationnellement inatteignable » avec des bipèdes, au sens où on ne sait même pas dresser la liste des défis techniques à résoudre dans le temps raisonnable d’une vie humaine et, conséquemment, dans celui des mandats politiques qui devraient en prendre la responsabilité. Mais, précisément parce Mars est inatteignable, on peut, sans risquer d’être rattrapé par l’échec, en faire le point d’aboutissement d’une ambition. Mars justifie les activités sur la Lune qui elles-mêmes justifient les activités de vol habité en orbite basse terrestre. Personne, si ce n’est quelques illuminés, n’envisage sérieusement de s’élancer vers Mars ; mais tous ont besoin de cet horizon pour habiller d’ambitions fabuleuses leurs entreprises immédiates : 

  • Elon Musk, qui a encore besoin de lever des capitaux pour sa fusée Starship alors même que le projet fabuleux d’être le transporteur logisticien exclusif vers la Lune lui échappe. 
  • La NASA, qui, sans la perspective de Mars, ne sait justifier ni les activités à la surface de la Lune ni celles dans la future station spatiale autour de la Lune. 
  • Les agences spatiales européennes qui justifient leurs petits tours en orbite basse par la perspective d’aller eux aussi un jour sur la Lune. 

Et, à chaque étape le long de cette ligne de fuite, la prétention scientifique sert d’habillage. 

Mais voilà Marc Lachièze-Rey qui met les pieds dans le plat : Dans l’espace, l’astronaute ne sert à rien… et même, il (elle) encombre…Tout un édifice argumentaire, un empilement de fables, s’écroule : Musk se retrouve démuni pour lever des fonds ; la re-conquête de la Lune se révèle une farce. Et l’Agence spatiale européenne voit filer sa dernière raison d’exister… 

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